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Depuis des
millénaires, les carrés magiques ont fait l’objet de recherches ; ils ont
fasciné et mystifié bien des gens à cause de leur richesse interne et de leur
structure dont la propriété principale est la régularité. Le
qualificatif magique est là pour rappeler cette
mystérieuse harmonie des nombres. Développés autant
par les mages que par les mathématiciens, les carrés magiques enrichissent les
mathématiques récréatives et peuvent constituer un support important à l’enseignement
de cette science. Ils peuvent aider à la pratique du calcul, permettre l’initiation
à des algorithmes simples, servir d’application à des transformations
géométriques et au repérage, permettre de s’approprier les rudiments de l’analyse
combinatoire, exiger l’utilisation de l’algèbre élémentaire. De plus, ils
peuvent amener l’élève à exercer sa créativité par de courtes recherches
et à développer des concepts et des habiletés, le tout dans un contexte de
récréation et d’enrichissement.
Il existe une grande
quantité de méthodes permettant la construction de carrés magiques de
différents ordres. Nous explicitons une méthode particulière de production de
carrés magiques normaux d’ordre 5 à partir de carrés de base, la
densité de tout carré magique normal d’ordre 5 étant 65. Nous pouvons passer d’une
cellule à une autre selon un mouvement qui sera également défini par deux
coordonnées. La première coordonnée constitue un déplacement sur la même
ligne vers la droite. Un virage à angle droit s’opère alors de telle sorte
que la seconde coordonnée indique un déplacement sur la même colonne vers le
haut. Les coordonnées varient de 0 à 4.
Pour passer de c(0,
1), marquée A, à c(2, 4), marquée B, le mouvement est (2, 3), que nous
désignerons m(2, 3). En voici l’illustration :
4 P P B P P 3 P P P P P 2 P P P P P 1 A P P P P 0 P P P P P 0 1 2 3 4 Figure 1
La bordure
périphérique n’arrête pas le mouvement. En effet, nous supposons que le
carré est un double cylindre. Lorsque nous débordons le carré au-delà de la
cinquième colonne, nous revenons à une cellule de rang correspondant sur la
même ligne, comme si le carré était un cylindre vertical. La sixième colonne
nous ramène à la première ; la septième à la deuxième et ainsi de suite.
De même, lorsque
nous dépassons la cinquième ligne, nous revenons à une cellule de rang
correspondant sur la même colonne, comme si le carré était un cylindre
horizontal. Voici un exemple d’application des effets du double cylindre en
passant de A à B selon le mouvement m(4, 3) :
P P P P P
P P
P P P P P P P P P P P P Figure 2
Choisissons une autre
cellule dans le carré, soit c(1, 4), et appliquons le même mouvement interne.
Nous obtenons le circuit B.
A3 B1 A5 B3 B5 A2 A4 B2 A1 B4 Figure 3
Pour passer de A1 à
B1, le mouvement est (3, 4). C’est également le même mouvement pour passer
de A2 à B2, de A3 à B3, de A4 à B4, de A5 à B5. Le mouvement est dit
séparateur. Il engendre un deuxième circuit que nous appelons parallèle au
premier. Deux circuits parallèles sont définis par un mouvement interne m et par un mouvement séparateur
M. A5 A3 A1 Figure 4
Les mouvements
différents qui engendrent un même circuit sont dits parents. Pour identifier
les parents d’un mouvement, nous prenons un mouvement, de préférence ayant 1
en abscisse, et « multiplions » successivement ses coordonnées par 2,
3 et 4, tout en demeurant dans l’intervalle [0, 4]
.
m(1, 2) × 2 = m(2, 4) Les parents de m(1,
2) sont m(2, 4), m(3, 1) et m(4, 3). L’ensemble des mouvements parents forme
une famille. Voici les six familles qui contiennent chacune quatre mouvements :
F1 F2 F3 F4 F5 F6 0, 1 1, 0 1, 1 1, 2 1, 3 1, 4 0, 2 2, 0 2, 2 2, 4 2, 1 2, 3 0, 3 3, 0 3, 3 3, 1 3, 4 3, 2 0, 4 4, 0 4, 4 4, 3 4, 2 4, 1
De façon pratique,
pour déterminer la première cellule du deuxième circuit et des circuits
suivants, nous pouvons ·
soit partir de la
première cellule du circuit précédent et appliquer le mouvement séparateur. ·
soit partir de la
dernière cellule du circuit précédent et appliquer un mouvement qui est la «
somme » des deux mouvements. Le carré suivant est
rempli, à partir de c (0, 0) selon les mouvements m(1, 2) et M(2, 2). De Ed Ac Bb Bd Cc Db Ea Ec Ab Ba Ce Figure 5
Donnons aux unités
les valeurs 1, 2, 3, 4 et 5. Les dizaines seront égales à 0, 5, 10, 15 et 20.
De cette façon, nous pouvons écrire tous les nombres consécutifs de 1 à 25.
Dans la figure 5, attribuons les valeurs suivantes : A = 0, B = 5, C = 10,
D = 15, E = 20, a = 5, b = 4, c = 3,
d = 2, e = 1. Nous aurons :
16 22 3 9 7 13 19 25 23 4 10 11 14 20 21 2 Figure 6
Ed De Ca Bb Db Cc Bd Ae Ce Ba Ab Ec Bc Ad Ee Da Figure 7
Comparons le carré
de la figure 5 et celui de la figure 7. Nous notons que le fait de
permuter les mouvements nous fait permuter les dizaines et les unités. En
conséquence, au lieu de composer à nouveau un carré de base, il suffit de
permuter les valeurs des dizaines et des unités. Les dizaines prennent alors
les valeurs 1, 2, 3, 4 et 5. Les unités ont les valeurs 0, 5, 10,
15 et 20.
En donnant tour à
tour les deux ensembles de valeurs aux dizaines et aux unités dans un même
carré de base, nous tenons donc compte de l’ordre des mouvements.
Si les lignes (ou
colonnes) contiennent chacune un circuit, il n’y a pas de carré magique. En
effet, la somme des éléments d’une ligne (ou colonne) sera égale à 65
seulement dans la rangée où la dizaine est égale à 10 ou à 3.
Si les lignes (ou
colonnes) contiennent chacune un élément de chaque circuit de même rang, il n’y
a également pas de carré magique. La somme des éléments d’une ligne (ou
colonne) sera égale à 65 dans la rangée où l’unité est égale à 3
ou à 10.
Si les lignes et
colonnes sont régulières, en ce sens qu’elles contiennent un élément de
chaque circuit (dizaines) de rangs différents (unités), nous pourrons former
des carrés magiques dans les cas suivants :
·
Chaque diagonale est régulière. Dans ce cas, les dizaines prennent un ensemble
de valeurs et les unités, l’autre.
·
Une diagonale est régulière tandis que l’autre contient les cinq dizaines et
une seule unité ou encore les cinq unités et une seule dizaine. Alors, la
dizaine (ou l’unité) doit être égale à 3 ou à 10.
·
Les deux diagonales ne sont pas régulières. L’une contient cinq dizaines et
une seule unité ; l’autre reçoit cinq unités et une seule dizaine. La
dizaine doit être égale à 10 et l’unité, à 3 ou inversement.
La combinaison de
tout mouvement interne d’une famille et de tout mouvement séparateur d’une
autre famille produit un seul carré de base. Tout autre carré est formé par
une permutation des dizaines et des unités.
Premier cas :
Un mouvement est de la famille F1 et l’autre de la famille F2, F3, F4, F5
ou F6. Cb Ae Dc Ba Ca Ad Db Be Ce Ac Da Bd Cd Ab De Bc Figure 8 Lorsque le mouvement
séparateur est de la famille F1, dans chaque colonne, il y a un circuit
différent. Toutefois, les unités sont identiques. il n’y a donc pas de
carré magique. Eb Dd Ca Bc Dc Ce Bb Ad Cd Ba Ac Ee Be Ab Ed Da Figure 9
Posons A = 10, B = 0,
C = 5, D = 15, E = 20, a = 1, b = 2, c = 3,
d = 4, e = 5. Nous aurons :
22 19 6 3 18 10 2 14 9 1 13 25 5 12 24 16 Figure 10
Comme une dizaine a
une valeur constante, les quatre autres peuvent former 24 combinaisons. Les
unités engendrent 120 combinaisons. Nous pouvons donc former 24 × 120 = 2880 carrés magiques.
Lorsque le mouvement
interne est de la famille F4, nous n’avons qu’à permuter les valeurs des
dizaines et des unités. La dizaine constante sera égale à 3. Nous pouvons
former ainsi 2880 autres carrés magiques.
Prenons le carré de
la figure 9 et posons : A = 3, B = 1, C = 5,
D = 2, E = 4, a = 20, b = 15, c =
10, d = 5, e = 0. Nous aurons :
19 7 25 11 12 5 16 8 10 21 13 4 1 18 9 22 Figure 11
Dc Ba Ed Cb Be Ec Ca Ad Eb Ce Ac Da Cd Ab De Bc Figure 12
Comme une dizaine
doit être égale à 10, les quatre autres dizaines peuvent être disposées de
24 façons. Les unités donnent également 24 combinaisons, puisqu’une unité
doit être égale à 3. Nous pouvons donc former 24 × 24 = 576 carrés magiques.
Lorsque le mouvement
interne est de la famille F6, c’est encore 576 carrés magiques qui pourront
être formés puisqu’une dizaine aura une valeur constante soit 3 et une
unité sera égale à 10.
Eb Ce Ac Da Dc Ba Ed Cb Cd Ab De Bc Be Ec Ca Ad
Aa Figure 13 Les valeurs des unités peuvent être combinées de 120 façons, tout comme les
valeurs des dizaines. Nous pouvons donc former 120 ×120 = 14
400 carrés magiques. En permutant les valeurs des unités et des dizaines, pour
tenir compte de l’ordre des mouvements, ce sont 14 400 autres carrés magiques
possibles : d’où un total de 28 800 carrés magiques. Voici un carré de
base dont les mouvements sont m(1, 2) et M(1, 4) : Cd Ba Ac Ee Eb Dd Ca Bc Be Ab Ed Da Dc Ce Bb Ad Figure
14
Huitième cas :
Un mouvement est de la famille F5 et l’autre de la famille F6. Cas Mouvements Rangées
irrégulières Carrés magiques 3 F3/F4 Diagonale de
droite 5760 4 F3/F5 Diagonale de
droite 5760 5 F3/F6 Les deux
diagonales 1152 6 F4/F5 Aucune rangée 28 800 7 F4/F6 Diagonale de
gauche 5760 8 F5/F6 Diagonale de
gauche 5760 Nombre total de
carrés magiques 52 992
Cette méthode permet
donc de construire 52 992 carrés magiques dont les éléments sont placés dans
des positions différentes. Toutefois, compte tenu des rotations et des
symétries, 6 624 carrés magiques différents peuvent être formés. Par
exemple, la combinaison des mouvements F4 et F5 engendre 3 600 carrés magiques
différents. Ces carrés sont d’ailleurs appelés diaboliques
ou panmagiques en ce sens que même les diagonales brisées contiennent des éléments dont la
somme est égale à la densité, soit 65.
Cette méthode permet
la construction d’une infime partie des carrés magiques d’ordre 5 puisqu’il
existe au total 275 305 224 carrés magiques différents de cet ordre.
Cependant, elle peut s’appliquer à tous les carrés magiques d’ordre impair
avec des adaptations lorsque n n’est pas premier. Lorsque n est
égal à 7, elle permet d’identifier six carrés de base en vue de la
formation de carrés diaboliques. Comme chaque carré de base engendre 6 350 400
carrés diaboliques différents, au total il est possible de construire 38 102
400 carrés diaboliques d’ordre 7. Û
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